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Les livres recommandés par vos bibliothécaires - 47

Femme tenant une liseuse
Image par Perfecto_Capucine de Pixabay

Myriam nous recommande 2 livres : le 1e tome de la saga Blackwater et un roman d'anticipation où le bien-manger est une obligation. Christophe a aimé le dernier livre de Bret Easton Ellis qui scrute avec finesse la jeunesse dorée californienne des années 80. Axelle suggère un livre à destinations des aidants et aidantes familiaux. Gaëlle a été touchée par cette histoire qui met à l'honneur les relations père-fille.

 

La nuit des pères / Gaëlle Josse

La nuit des pèresPar Laurence, bibliothèque municipale de Grenoble

Et s'il était temps de se parler ?

Appelée par son frère au sujet de la santé déclinante de son père, Isabelle doit revenir dans le village des Alpes de son enfance. Elle appréhende ce retour car les relations avec son père étaient tendues. Aucune preuve d'amour envers sa fille, d’innombrables colères, cet homme peu fait pour la vie de famille semblait n'être heureux que dans les montagnes. Peut-être le moment est-il venu de parler à son père et de comprendre ce qui le hantait.
Un très beau roman sur les relations père/filles et l'incapacité d'un homme à faire face à son passé. Une très belle écriture pour un texte très émouvant.
Disponible en livre audio sur Bibook.

Etre présent pour ses parents / Hélène Rossinot

Être présent pour ses parentsPar Axelle, bibliothèque de Saint-Martin-d'Hères

Mieux vaut prévenir que guérir

Un documentaire de 200 pages pour appréhender avec douceur mais sans langue de bois la progressive perte d'autonomie de nos proches. La doctoresse Hélène Rossinot prend en compte le.la "patient.e" mais aussi et surtout l'aidant, c'est-à-dire nous.

Des exemples, des paroles réconfortantes, des conseils font de ce livre une aide pour préparer cette période qui, dans un présent ou un futur proche, touche certains d'entre nous.

Blackwater. Tome 1 : la crue / Michael McDowell

Blackwater Par Myriam, bibliothèque municipale de Grenoble
Trouble et étrangeté au bord du fleuve
Ecrite dans les années 90, la saga Blackwater n’a été éditée en France qu’en 2022, avec un succès immédiat. Dans ce premier tome, dont le récit débute en 1919, le cadre est posé. La description des eaux et des dégâts qu’elles causent, sert à la fois le décor et de socle au roman. Avant d’être un récit fantastique, La crue est une histoire de famille, avec ses figures (féminines) fortes, ses brebis galeuses, ses personnalités influençables… et les jeux de pouvoir sont au cœur de l’intrigue.
Le surnaturel s’insinue progressivement comme l’eau entre les lames du plancher d’une maison de Perdido. Le personnage d’Elinor Dammert, trouble comme les eaux chargées de limons du fleuve, se révèle de chapitre en chapitre : ondine, sirène, sorcière…  
Il faut souligner les magnifiques couvertures en relief et métalliques des couvertures des éditions Toussaint Louverture, moins visibles en numérique.

Les bouffeurs anonymes / Marie Aline

Les bouffeurs anonymesPar Myriam, bibliothèque municipale de Grenoble
Du diktat  à la dictature du manger sain
Dans ce premier roman, Marie Aline, critique gastronomique, imagine une société où le contrôle est de mise. Dans ce récit d’anticipation, les citoyens sont contraints au bien-être sur tous les plans : "nosepod" pour limiter la propagation des virus, colocation obligatoire pour éviter l’extension des villes, limitation de la consultation des réseaux sociaux… Et en tout premier lieux : contrôle drastique de l’alimentation.  Viande et fast food rationnés, fruits et légumes imposés.  Dans l’ombre d’un "Facefood", un club de déviants s’interrogent sur ses pratiques et tentent de revenir dans le droit chemin sous le regard d’un critique gastronomique infiltré mais lui aussi en quête de sérénité quant à ses pratiques gastronomiques. Saura-t-il guider l’un et l’autre parti, déviants et gouvernement, vers une voie médiane ? L’univers imaginé est en lui-même porteur de réflexions pour le lecteur et fait écho à nombres de questions actuelles. L’auteur met efficacement en scène toute la palette d’insatisfactions et de frustrations d’une société dans laquelle on touche au plus fondamental : la nourriture !

Les éclats / Bret Easton Ellis

Les éclatsPar Christophe, bibliothèque municipale de Varces
Los Angeles Parano
1981, Los Angeles, c’est la rentrée pour les terminales du lycée privé Buckley. Si tous rhabillent pour l’occasion leurs corps parfaits de fringues de marque hors de prix, il flotte dans l’air comme un parfum de fin d’insouciance. Serait-ce l’âge adulte qui pointe son groin sale vers ces jeunes héritiers du marigot californien, dans lequel barbotent des familles de producteurs hollywoodiens et autres mandarins tellement riches que c’en est presque beau ? A voir.

Pour Bret, l’arrivée d’un nouvel adonis dans sa troupe de potes – l’équivoque Robert Mallory – n’arrange rien à ses angoisses vissées aux meurtres sordides commis par celui qui semble bien être un serial killer : le Trawler (traduction : le Chalutier. Ambiance). Toujours est-il qu’il est bien le seul à être troublé par la concomitance des faits. Alors : parano ou pas ?

A lire ces lignes, le lecteur pourrait se chagriner à juste titre d’un pitch convenu. Mais il ne lui aura pas échappé que l’on parle ici du dernier Bret Easton Ellis. Quand même. Et si ce dernier devait malencontreusement nous quitter aujourd’hui (ce qu’on ne lui souhaite pas), on pourrait dire de ce roman qu’il boucle judicieusement une œuvre commencée il y a bientôt quarante ans avec Moins que zéro, roman magistral et culte sur la jeunesse dorée californienne, sa décadence et sa vacuité.

Alors dans les salons de 2023 : on se déchire. Les Éclats ne serait-il qu’une simple resucée de son glorieux ainé ? Ou bien.
Réponse : "Ou bien".

L’ambivalence assumée quant à la réalité des faits (introduction et conclusion du roman à l’appui ; narrateur nommé Bret ; Moins que zéro cité, etc.) est un régal. De plus, si en 1986 le regard de Bret Easton Ellis sur ses pairs (il avait vingt ans !) était confondant de maturité, nous avons avec Les Éclats un roman traversé par la douleur d’un auteur vieillissant qui sait aujourd’hui que les plus belles années de sa vie étaient déjà derrière lui à cette époque.

Sommé de vivre sa sexualité hétéronormée, seule à même, croit-il, de valider une place de choix dans le décorum réac de son monde, le jeune Bret de dix-sept ans n’échappera pas à une profonde mélancolie. C’est peu de le dire.

Les Éclats, ça me rappelle quand mon fiston jouait sur sa Play à GTA*. Je n’y comprenais pas grand-chose, mais j’étais fasciné de le voir déambuler à travers cette Gomorrhe californienne où tout était possible et où plus rien n’avait donc de réel intérêt (rouler sans but, voler, tuer, peu importe).

Alors on pourrait se targuer de se moquer bien joliment des petits pioupious ultra riches, de leur vie de patachon et de leurs soucis en carton. Ce serait, à mon avis, rater un récit exemplaire d’une époque et d’un monde.

Cet écosystème aristo eighties, qui baigne la lecture du dernier Bret Easton Ellis, traîne avec lui des bagages légers comme des vaches mortes : la solitude (ces enfants sont seuls), les anxio, les sédatifs, l’alcool, la drogue, le sexe triste et le luxe partout, les bagnoles les fringues les piscines les bonnes. Une genèse évidente de notre époque abrutie de servitude volontaire aux miroirs d’alouettes. Et d’ennui.

A travers Robert, Thom, Debbie ou Susan, c’est nous tous que Bret Easton Ellis scrute en entomologiste lucide.

* Série de jeux vidéo d’aventure en "monde ouvert".