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Les livres recommandés par vos bibliothécaires - 6

Image par Perfecto_Capucine de Pixabay

Cette semaine, vous pourrez suivre l'avis de Céline qui s'est retrouvée immergée dans un métro moscovite le temps de sa lecture. Ou bien les trois recommandations de Catherine qui s'est laissée embarquer dans le PROJET, puis aux Etat-Unis, sur les traces de Jack London et enfin, à Ordesa dans les Pyrénées. Ou alors l'avis de Valeria qui s'est plongée dans le récit de la vie d'une famille alsacienne un peu folle. Ou enfin, vous laisser séduire par l'aventure amoureuse de Pierre et Olympe comme Alexia et Valeria.

 

Métro 2033 / Dmitry Glukhovsky

Métro 2033Par Céline, bibliothèque municipale d'Echirolles

Apocalypse nucléaire et métro moscovite

Jamais un roman de science-fiction n’a paru aussi immersif. L’ambiance est sombre, sale et étouffante. Tout au long de la lecture, la sensation d’être coincé sous terre est prégnante. La menace semble permanente et la succession de couloirs, de rails, de stations, ne semble jamais se finir. Les personnages, aux valeurs assez floues, oscillent toujours entre le bien et le mal. Mention spéciale aux voyages, très réalistes, au sein du métro moscovite. L’univers de Métro dans son ensemble (vie souterraine, système politique...) est très riche ce qui rend la lecture passionnante. Une dystopie post apocalyptique à lire absolument !

L'homme qui brûle / Alban Lefranc

L'homme qui brûlePar Catherine, bibliothèque du Centre-Ville de Grenoble

Le PROJET

Quel est le point commun entre Thomas Münzer, prédicateur protestant qui encouragea des soulèvements populaires dans l’Allemagne du XVIe, Alain Delon dans Le samouraï de Melville, et une star du porno ? Ils sont tous au centre du PROJET, le livre que veut écrire Luc Jardie, le narrateur de L’homme qui brûle. S’y ajoute aussi, envahissante, l’image de sa mère qui voulait faire de lui "une brique fendant l’air", un fils voué à la réussite sociale. Il en est loin.

Dans une société violente, sécuritaire, en proie aux inquiétudes climatiques, cet écrivain en panne, obsédé par l’Apocalypse, voudrait écrire un roman total qui contiendrait toutes ses obsessions. C’est un personnage en perte de repères affectifs et idéologiques dans une époque marquée par le vide éthique et politique. Mis à part Jérôme, son ami d’enfance, ce solitaire n’a de lien avec ses semblables qu’à travers les réseaux sociaux ou le téléphone portable.  Le PROJET vient combler ce vide dans lequel il est et donner un sens au monde.

Alban Lefranc est romancier et traducteur de l’allemand ; il écrit aussi des pièces de théâtre. Dans L’homme qui brûle, il a imaginé un personnage fictif, alors que dans ses précédents textes, il réinventait les vies de personnes réelles : Fassbinder (La mort en fanfare, 2005), la bande à Baader (Si les bouches se ferment, 2006), Mohamed Ali (Le ring invisible, 2013), Maurice Pialat (L’amour la gueule ouverte, 2015) ou Steve Jobs (Steve Jobs, 2016 : pièce de théâtre).

C’est un texte déstabilisant au début, plein d’énergie, qui mélange les registres d’écriture (sérieux, humour noir, mélancolie ; des passages très touchants sur l’enfance, sur l’amitié) et qui nous change de nos lectures habituelles.

Un autre Eden / Bernard Chambaz

Un autre EdenPar Catherine, bibliothèque du Centre-Ville de Grenoble

Sur les pas de Jack London

En cet été 2016, Bernard Chambaz et son amoureuse partent pour un périple de 5 000 km entre le Canada et les Etats-Unis sur les traces de Jack London, lui à vélo, elle en voiture. Une aventure doublée d’un voyage intérieur vers Martin, leur fils mort accidentellement à 16 ans, 24 ans auparavant. Si l’écrivain américain est leur compagnon de route, c’est qu’il est né en janvier 76, comme leur fils, mais à un siècle de distance, et qu’il est mort à 40 ans, âge qu’aurait Martin au moment de leur périple. Et bien sûr, il est l’auteur de Martin Eden. Ce récit est une biographie (à peine) romancée, entrecoupée de conversations imaginaires entre Jack et Martin. La vie de Jack London, cet homme habité par la liberté et la curiosité, incapable de se poser, est digne d’un roman d’aventures.

Après des petits boulots et l’usine à 13 ans où s’ébauche son engagement pour le socialisme, il part chasser les phoques, participe à la ruée vers l’or dans le Grand Nord ; puis viennent les premiers écrits. Il se marie, a 2 filles, avant de rencontrer Charmian, la femme de sa vie. D’autres femmes traversent ce récit : sa mère, sa nourrice, sa sœur. C’est dans ses périples, les expériences qu’il vit, qu’il puise son inspiration pour une multitude de nouvelles et de romans. La gloire littéraire finit par arriver, qui lui permettra de réaliser ses innombrables projets (un tour du monde à bord de son bateau, puis exploitation d’un ranch, entre autres).

Romancier, poète et essayiste, Bernard Chambaz a obtenu le Goncourt du premier roman en 1993 pour L'Arbre de vies. Il a écrit de nombreux récits de voyages ainsi que des textes sur le vélo et le sport en général. Depuis la mort de son fils, au coeur de Martin cet été (Julliard, 1994) le thème du deuil traverse nombre de ses romans. Dernières nouvelles du martin-pêcheur (Flammarion, 2014) notamment, raconte aussi un périple à vélo à travers les Etats-Unis à la rencontre de Martin.

Sur les traces de cet écrivain aventurier, dont il ne cache pas les contradictions, Bernard Chambaz offre à son fils une nouvelle et émouvante présence au monde, et nous donne envie de nous (re)plonger dans les romans de Jack London.

Ordesa / Manuel Vilas

Ordesa Par Catherine, bibliothèque du Centre-Ville de Grenoble

Orphelin à perpétuité

Ordesa est un village des Pyrénées, où le père de Manuel Vilas emmena sa famille au cours de l’été 1969 et où le fils cherchera plus tard ses traces avec ses garçons. Depuis, le père, ainsi que la mère, sont morts, laissant sur le bord de la route un fils "orphelin à perpétuité". C’est assailli par les souvenirs du passé et les fantômes des disparus qu’il entreprend d’écrire cet hommage à ses parents et à la classe moyenne basse à laquelle appartenait sa famille.

Cet autoportrait d’un homme qui avoue ne plus trouver parfois le courage de continuer ne se limite pourtant pas à l’intime. Il fait aussi une chronique de la société espagnole à la fin du franquisme et les années qui ont suivi. L’appartenance à une classe sociale, la paternité, l’éducation, la réussite et les échecs, l’alcoolisme, autant de sujets traités de façon personnelle et collective à la fois.

Ordesa est une suite de 157 fragments tour à tour sarcastiques, poétiques, ou nostalgiques, voire dérangeants, mais aussi pleins de drôlerie. Ces fragments sont suivis d’une dizaine de poèmes et complétés par quelques photos de famille.

Écrivain et poète Manuel Vilas est une figure d’avant-garde de la littérature espagnole. Il réside dans l’Iowa où il enseigne l’écriture créative. Ordesa l’a imposé comme un écrivain majeur de son pays et lui a valu le Prix Fémina étranger 2019.

Ordesa est un livre très personnel, dans lequel Manuel Vilas donne sa vision de la vie. Mais quand il dépeint une famille qui doit lutter contre la pauvreté et quand il dit la douleur du "jamais plus" et le dialogue qui persiste entre les morts et les vivants, il devient universel.

Falalalala / Émilie Chazerand

Falalalala Par Valeria, bibliothèque Arlequin de Grenoble

L’esprit de Noël ?

Nous sommes au mois de décembre. La famille Tannenbaum travaille d’arrache-pied afin de fournir bredele et biscuits à la cannelle à leur clientèle. D’ailleurs, vous aurez peut-être l’envie irrépressible d’en déguster, tant les scènes de cuisine sont alléchantes dans ce roman. C’est dans un petit village alsacien proche de Strasbourg que vivent les huit membres de cette famille plus qu’atypique, à Tannenland plus exactement, maison visitée chaque année par de nombreux touristes. Comme dans Blanche-Neige et les sept nains, on retrouve ici Richard et les sept naines. Richard semble presque immense lorsqu’on le voit avec sa mère, sa grand-mère, ses tantes et ses cousines. Mais il le vit mal, cette situation le complexe. Ce jeune homme si discret va finir par se révéler grâce à sa cousine, la lumineuse Ludovika, de qui il est tellement proche. Quant aux petites femmes Tannenbaum, elles nous régalent grâce à leurs réparties grandioses et leurs caractères haut en couleurs.

Ce roman aborde avec humour et sensibilité tant de thèmes… La différence, l’amour familial si complexe, la compassion… Cette famille semble peut-être folle mais en réalité elle est drôle et généreuse. Les secrets se révèlent petit à petit, on déguste sa lecture, on s’attend au pire mais surtout au meilleur.

La plume d’Emilie Chazerand a le pouvoir de me faire rire comme jamais ! Je m’étonne, je m’offusque, je suis captivée et j’en redemande.

Émilie Chazerand vit près de Strasbourg, où elle a été "trouvée dans un paquet de nouilles" en 1983. Petite, elle dévore les livres. Devenue infirmière, elle se met à écrire des chroniques pour leshistoiressansfin.com et peu à peu, les livres reprennent la première place dans sa vie… avec ses enfants et ses trois chiens, ou inversement. Aux éditions Sarbacane elle a publié l’hilarant La fourmi rouge.

Premier arrêt avant l'avenir / Jo Witek

Premier arrêt avant l'avenir Par Valeria, bibliothèque Arlequin de Grenoble

Reculer pour mieux s’envoler

Pierre quitte son sud natal et monte dans le train direction Paris… Il est chanceux, il a obtenu une bourse pour ses études, étudier les sciences et notamment la physique dans l’une des plus prestigieuses prépas de la capitale. Ses certitudes, son monde, ses rêves, son avenir… Il va tout remettre en question au moment où il rencontre Olympe, une étudiante en médecine. Elle est libre, forte, enthousiaste, lit les écrivains anarchistes. Elle a des dreads, déambule pieds nus et fraude dans le train. Elle est différente, intéressante, sait ce qu’elle veut et surtout ce qu’elle ne veut pas. Une rencontre qui va faire douter Pierre et remettre en question ses projets d’avenir. Un coup de foudre à Très Grande Vitesse, puis la découverte de Marseille, de nouveaux amis, des idéalistes qui se bougent pour un monde meilleur. Olympe en fait partie, dans quelques jours, elle partira en voyage humanitaire sur un voilier. À 18 ans on a la vie devant soi mais aussi parfois de grandes décisions à prendre. Sans prévenir, des chemins différents s’ouvrent à notre héros, à lui de jouer !

Je me suis sentie tellement bien dans cette lecture, c’est vrai et ça donne envie d’accomplir ses rêves, dans tous les domaines possibles.

Au départ comédienne, Jo Witek se dirige assez vite vers l’écriture. D’abord pour le cinéma, en tant que scénariste et lectrice, puis pour la presse et la communication comme rédactrice. Depuis 2009, elle écrit pour la jeunesse. Chez Actes Sud junior, elle est l’auteure d’Une fille de… (collection "D’une seule voix"), de romans pour ados, Le Domaine, Un hiver en enfer, Rêves en noir, Peur Express, Un jour j’irai chercher mon prince en skate, Premier arrêt avant l'avenir ("mention spéciale" Prix vendredi 2019).

 

Par Alexia, médiathèque Paul Eluard de Fontaine
Coup de coeur

Aujourd’hui on s’arrête sur un petit coup de cœur jeunesse (mais ne vous méprenez pas même un adulte s’y plongera avec plaisir !) Premier arrêt avant l’avenir de Jo Witek, le temps de prendre une pause, d’une balade de confinement, dans son jardin ou sur son balcon, un temps pour soi pour faire sa cure de jouvence.

C’est l’histoire d’une rencontre entre Pierre, un jeune lycéen brillant qui s’apprête à rentrer dans une prestigieuse université Parisienne et Olympe, une jeune étudiante en médecine qui prépare un voyage humanitaire en bateau.

Une rencontre qui allie les thèmes du voyage, de la notion de choix et de liberté, de l’avenir et de l'amour. Sous ses airs de romance adolescente, l’auteur nous encourage à réfléchir sur notre mode de vie, notre manière de consommer, notre empreinte écologique, une réflexion qu’on a un peu tous en ce moment… Il est plein de surprise et touchant, même les adultes n’en seront pas déçus (j’y ai versé ma petite larme !).

Un texte plein de bonnes ondes parfait pour se remonter le moral et prendre une grande bouffée de positif dans ce confinement !

 

Visuel : Image par Perfecto_Capucine de Pixabay